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Angiœdème et Inhibiteurs de l’Enzyme de Conversion

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La notice destinée au patient des inhibiteurs de l’enzyme de conversion décrit le risque d’angiœdème.

Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou IEC1 sont des traitements très utilisés pour des maladies cardiovasculaires (hypertension artérielle, maladie coronarienne, insuffisance cardiaque) et ont aussi une action protectrice sur le rein. Ils bloquent l'enzyme de conversion qui permet l’activation de l’angiotensine, à l’origine d’une constriction (fermeture) des vaisseaux sanguins. Par conséquent les IEC entrainent une vasodilatation, une baisse de la tension artérielle et du travail du cœur.

Par ailleurs, comme l’enzyme de conversion permet la dégradation de la bradykinine, les IEC provoquent également une accumulation de bradykinine en cause dans la survenue d’angiœdème.

L’angiœdème correspond à un gonflement des tissus sous la peau et des muqueuses entrainant un gonflement du visage, des lèvres ou de la gorge rendant difficile la déglutition ou la respiration et pouvant être douloureux. Il est donc parfois nécessaire de consulter en urgence.

Les angiœdèmes (ou œdèmes angioneurotiques) peuvent être divisés en deux catégories selon leur mécanisme :

  • Les angiœdèmes mastocytaires dont le principal déclencheur est l’histamine, d’origine allergique et qui sont typiquement associés à une éruption (urticaire), aussi appelés œdèmes de Quincke. Le traitement consiste en un antihistaminique (et à l’adrénaline en cas de gravité).
  • Les angiœdèmes bradykiniques dont le principal déclencheur est la bradykinine, non associés à une urticaire, dont l’origine peut être héréditaire (déficit ou dysfonctionnement du C1 inhibiteur qui freine la formation de bradykinine) ou faire suite à la prise d’un médicament. Dans ce cas, les antihistaminiques ne sont pas efficaces et en cas d’atteinte grave (difficultés à respirer, atteinte du visage, douleurs abdominales), l’icatibant ou le Berinert®, qui sont alors administrés aux urgences, peuvent être nécessaires.

Les IEC sont des médicaments pouvant être à l’origine d’angiœdèmes bradykiniques.

Un article publié par l'équipe du Centre national de référence des angiœdèmes (CREAK) analyse les cas d’angiœdème ayant motivé un appel urgent à leur équipe sur 6 mois : sur 84 patients présentant un angioœdème, près de la moitié (48,8 %) présentait un angiœdème lié à un IEC. Par rapport aux autres causes d'angiœdème, les patients sous IEC présentent plus d’urticaire (29,3 % versus 2,4 %), plus d'œdème de langue et d’atteintes ORL (58,5 % versus 25,6 %), sont plus souvent transférés en réanimation (17 % versus 2,6 %), et sont plus âgés avec un âge moyen de 69 ans versus 40,5 ans [1].

Il s’agit d’un effet rare (moins de 1 % des patients traités) et plus fréquent chez les patients d’ascendance africaine. Parmi les angiœdèmes médicamenteux, la prise d’un IEC est retrouvée dans 10 à 25 % des cas [2,3,4]. Les angiœdèmes peuvent survenir au niveau de la face, des lèvres, de la langue, de la glotte, du larynx et des extrémités. L’angiœdème apparaît dans les heures voire dans les semaines après l’instauration du traitement (60 % des cas surviennent durant la première semaine) mais peut aussi apparaître après plusieurs années de traitement [5,6]. L’IEC doit alors être immédiatement arrêté. Dans une analyse rétrospective réalisée chez 64 patients ayant présenté un angiœdème lié à un IEC, l’arrêt de l’IEC a entrainé une disparition complète de l’angiœdème chez 69 % des patients, et une régression significative des signes chez 17 % des patients [7]. La réintroduction d’un IEC conduit à la récidive de l’angiœdème [8]. Les principaux facteurs de risque mis en évidence : patients d'ascendance africaine, antécédent d'angiœdème, sexe féminin, tabagisme… [8]

Tous les IEC sont contre-indiqués en cas d’antécédent d'angiœdème lié à un traitement antérieur par un IEC et en cas d’angiœdème héréditaire ou idiopathique. Les patients doivent être informés de ce risque pour arrêter le traitement et consulter immédiatement un médecin ou un service d’urgences, s’ils présentent des signes d’angiœdème notamment un gonflement de la gorge et de la langue, un gonflement autour des yeux et des lèvres, des difficultés à respirer et à avaler.

A noter que d'autres médicaments favorisent la survenue d'angiœdème, en particulier certains traitements du diabète (les gliptines) et certains immunosuppresseurs (sirolimus et évérolimus).

 

Pour en savoir plus

[1] Simon N et al. Profile of serious angioedema requiring an urgent advice from a national reference call center. Medicine (Baltimore). 2022
[2] Vleeming W. ACE inhibitors induced angioedema. Drug Safety 1998
[3] Slater EE et al. Clinical profile of angioedema associated with angiotensin converting enzyme inhibitors. JAMA 1988
[4] Rees RS et al. Angioedema associated with lisinopril. Am J Emer Med 1992
[5] Israili ZH. Cough and angioneurotic edema associated with angiotensin converting enzyme inhibitor therapy: a review of the literature and pathophysiology. Ann Intern. Med. 1992
[6] Ulmer JL et al. Fatal angioedema associated with lisinopril. Ann Pharmacotherapy 1992
[7] Cicardi M et al. Angioedema associated with angiotensin-converting enzyme inhibitor use. Arch Intern Med 2004
[8] Gonzalo FE et al. Angioedema caused by ramipril (letter). Ann Pharmacol 1995
[9] Bezale S et al. Angiotensin-converting enzyme inhibitor-induced angioedema. Am J Med 2015

 

1. Les médicament de la classe des IEC actuellement disponibles sont : Bénazépril, Captopril, Énalapril, Fosinopril, Lisinopril, Périndopril, Quinapril, Ramipril, Trandolapril, Zofénopril.

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